Les transports en commun sont insuffisants en France. Alors que les capacités financières des collectivités territoriales sont sous tension, comment peuvent-elles investir massivement dans les transports publics ? En cette période de Black Friday, nous pensons que la mise à contribution des géants du e-commerce doit être sérieusement considérée.
Un besoin criant de financements pour les transports en commun
En février 2023, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a appelé à “un effort sans précédent”, pour assurer la desserte des périphéries des agglomérations qui représentent “l’enjeu central en matière de report modal”. Plus récemment, un rapport du Sénat alerte sur la nécessité d’investir massivement dans les transports en commun, en plaidant pour un “choc de l’offre”, tout en alertant sur le “mur des dépenses” estimées à 100 milliards d’euros d’ici 2030, auquel doivent s’attendre les Autorités organisatrices de la mobilité (structures administrées localement pour gérer les mobilités). Les citoyens sont aussi concernés : 93% des Français considèrent qu’il est nécessaire de développer les transports en commun, d’après un sondage de 2022 pour l’Observatoire de la mobilité.
Alors qu’Amazon vient de dépasser les 10 milliards de chiffre d’affaires par an dans l’Hexagone, notre pays se hisse à la première place européenne des achats en ligne : 1,5 milliard de colis sont livrés chaque année en France ! Ce constat pose des questions environnementales : utilisation de plastique, sur-emballages de carton, bruit, livraisons express de camions semi-vides, congestion sur la chaussée, rejets de CO2, etc. En milieu urbain, s’ajoutent des effets néfastes sur la santé dus au rejet et à la concentration de polluants atmosphériques (dioxyde d’azote, particules fines, etc.).
En plus de représenter un coût environnemental et sanitaire considérable, les livraisons profitent des investissements des collectivités et génèrent des dépenses supplémentaires : entretien de la voirie et des zones de livraisons, tournées supplémentaires pour le ramassage des déchets d’emballage, etc. Ainsi, l’expansion des activités des plateformes se fait au détriment de la santé et des finances publiques, impactant les contribuables, même ceux qui ne les utilisent pas.
En cette période de Black Friday, le 25 novembre prochain, qui verra une explosion des commandes et, par conséquent, de leurs externalités négatives, la question est plus que jamais d’actualité : qui doit payer ?
Nous pensons que les plateformes doivent être responsabilisées, en contribuant, à la hauteur de leur capacité (et bénéfices records) à l’effort d’investissement nécessaire aux transports publics.
Par conséquent, nous réclamons une contribution financière des grandes plateformes e-commerce au bénéfice des Autorités Organisatrices des Mobilités (AOM) pour soutenir le développement des transports en commun. D’autres territoires à l’étranger l’ont fait, comme l’État du Colorado ou la ville de Barcelone. En France, l’idée est partagée par de multiples acteurs (rapport Duron de 2021, rapport du Sénat de 2023, proposition du Groupement des autorités responsables de transport, parlementaires et élus aux couleurs politiques et sensibilités variées). A titre d’exemple, l’Institut Paris Région estime qu’un montant forfaitaire de 0,5 € par colis à l’échelle de l’Ile-de-France rapporterait 200 millions d’euros par an. L’année dernière, le gouvernement avait reconnu devant le Sénat la pertinence du sujet et s’était engagé à le prioriser dans le cadre du Conseil National du Commerce. Il est donc temps qu’il se saisisse de cette mesure pour encourager et investir massivement dans les transports publics !
Sylvain Delavergne
Coordinateur France, Clean Cities Campaign
sylvain.delavergne@cleancitiescampaign.org
Tony Renucci
Directeur Exécutif, Association Respire
Diane Strauss
Directrice France, Transport & Environment
diane.strauss@transportandenvironment.org